Alors on ferme les yeux un instant...

Impossible de dormir.
Je vais donc me livrer à un exercice particulièrement étrange.
Ecrire sur une personne qui va lire ce que je dis d'elle.
Oui, bon, c'est moi qui lui ai donné le lien.

Suna: dis, copine tu sais ce que c'est un blog ?
Crépuscule: blog????
Suna: oui, un blog :P
Crépuscule: un bug???
Suna: huhu
Suna: une sorte de journal intime sur le net
Crépuscule: c'est comme anne franck!!!
Suna: on peut dire ça :)
Crépuscule: moi j'aimerais pas étaler ma vie devant des
milliards de personnes...surtout que c'est si innintéressant!!!!
Crépuscule: et toi?
Suna: j'en ai un :P et je me fous que ce
soit intéressant pour les autres ou pas
Crépuscule: ah oui et c'est quoi l'adresse?

Et je lui ai donné l'adresse.
Elle va donc parcourir ces pages.
Cela va me donner l'occasion de parler un peu d'elle.
Ma meilleure amie du lycée.
Crépuscule.
Je ne me souviens plus très bien quand ni comment j'ai sympathisé avec elle.
Sans doute un de ces cours de latin que nous avons tous
cherché à fuir durant les premiers jours.
Le professeur voulait sans doute discerner les élèves motivés des autres.
Il nous avait demandé au premier cours de décliner "dominus" à l'envers.
Et quand, pour nous concentrer, nous regardions le plafond, il nous assénait un
"Mademoiselle, la réponse ne se trouve pas au plafond"

Je ne suis restée dans ce cours que parce que j'avais peur de ma mère.
hum.
Je ne l'ai jamais regretté. Ce monsieur "Tourbidoula"
a été le meilleur professeur que j'aie eu de ma vie.
Passons.

J'ai partagé avec elle la plus grande partie de mon temps,
pendant ces trois années de lycée.
Les fous rires en cours, les délires absurdes et burlesques.
Les chansons de Noël a cappella sous l'escalier avant le cours de philo.
Le courrier que nous rédigions consciencieusement
pendant les cours de philo (et oui, toujours : en L nous avions 7 ou 8 h de philo par semaine et souvent 3 h à la suite, oui bon je sais c'est mal).
Et les boys band.
Hum.
Si, si j'assume.
Bref, quelques unes des plus belles années de ma vie.
On n'avait aucune crainte, aucune angoisse existentielle.
A part les mecs.
On voulait toujours ceux qui ne voulaient pas de nous.
Et ceux qui voulaient de nous se tiraient, nous décevaient.
Et on se consolait.
En regardant nos beaux appolons sur papier glacé.

Quand on avait des vacances, on s'envoyait des lettres.
Papier à lettre choisi, timbres magnifiques, une moyenne de 7 à 9 pages par envoi.

Sa petite écriture ronde, régulière, sage.

C'est elle qui m'a donné le gout de l'écriture.
Moi qui n'avais pas la patience de décortiquer mes pensées.
Je m'y suis appliquée en lui écrivant des lettres.
J'ai compris que j'avais des choses à dire,
et qu'au moins une personne me comprenait.
Que j'avais le temps de choisir mes mots, de les agencer comme je le souhaitais, d'accentuer un sentiment, un sourire, un mot d'amitié.

A la fin du lycée, nous avons eu notre bac.
Ce qui est un réel miracle.
Vu le peu de temps que nous avons passé à étudier.
Je pense que nous étions surdouées à la base, ce qui expliquerait tout.
Hein ?
Ah bon j'ai cru entendre une protestation ...

Et après le bac, il y a eu la fac pour elle.
Et moi Sciences Po.
Elle était passionée par la langue de Goethe.
Moi plutôt par celle de Kawabata.

Nos chemins ne divergeaient pas vraiment.
Mais la vie a fait qu'on ne pouvait pas vraiment se voir
aussi souvent qu'avant.
Heureusement, le souvenir parfois remonte.
Et on se retrouve au téléphone ou sur le net.
Un peu blessées par la vie, par les hommes.
Mais toujours avec au fond de nous ces rires des enfants que nous étions.
Intactes.